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Test du jeu INDIKA : une « sacrée » expérience

Lorsque qu’on m’a proposé de tester INDIKA à l’occasion de sa sortie sur consoles, j’étais extrêmement enthousiaste. Un jeu de type walking simulator, qui se passe en Russie, dont l’héroïne est une nonne et qui aborde des thématiques comme la foi et la santé mentale !

Rien qu’avec ce descriptif, on sent déjà qu’on est face à une PVNI (Proposition Vidéoludique Non Identifiée). Alors, entendons-nous bien : je suis absolument ravie et satisfaite qu’une idée narrative de ce type ait vu le jour. L’ai-je appréciée à sa juste valeur ? Probablement pas assez.

Une proposition (très) étrange : INDIKA

Commençons par le commencement : de quoi parle-t-on ? INDIKA, du studio russe Odd Meter, est un jeu narratif en 3D à la 3ème personne. On pourrait le ranger dans la catégorie des « walking simulator » qui aurait intégré des éléments de gameplay plus « ludiques ».

Vous aurez notamment une poignée de puzzles environnementaux à résoudre, des leviers à actionner, etc. Mais ce n’est pas tout : préparez-vous à quelques passages de course poursuite et même de plateforme à la sauce pixel art. Oui, il est un peu tout cela en même temps.

Pour le décrire, je dirai que le jeu se décompose en trois parties distinctes. Tout d’abord, la narration du présent, avec l’aventure rocambolesque de Indika, une religieuse habitée par le démon, et d’Ilya, son compagnon illuminé d’infortune, dans une Russie alternative diesel punk de la fin du 19ème siècle. Nous allons les suivre à la recherche d’une relique miraculeuse, sensée résoudre leurs problèmes. Sur leur chemin, vous assisterez à leurs nombreux débats sur le sens de la foi, de la liberté individuelle, de la piété

D’autre part, les passages de plateforme en pixel art dont je vous parlais plus haut servent à illustrer des morceaux de la vie de notre nonne intrépide avant qu’elle ne rentre dans les ordres. Ces moments sont pour certains très jolis, parfois même poétiques. Il permettent une petite pause, une respiration dans l’histoire parfois bienvenue (et parfois non, bref, vous verrez par vous-même).

Enfin, Indika serait poursuivie par le diable. Ses rencontres avec Satan vous feront jouer des passages dans lesquels la réalité est (encore plus) distordue. Vous serez face à des puzzles parfois très bien trouvés mais malheureusement assez peu présents dans l’œuvre globale. Vous allez pouvoir composer entre la folie et la prière pour accéder à certains endroits ou carrément atteindre des endroits inaccessibles en jouant avec les dimensions.

Un propos pas toujours évident à suivre

Entendons-nous bien : l’histoire de base, ce trajet d’un point A à un point B à la manière d’un road movie, n’est pas difficile à capter. La quête des personnages est elle aussi assez simple à saisir. Cependant, le sous-texte et les références sont plus difficiles à comprendre. Le studio a pour ambition d’aller, avec son titre, au delà du simple divertissement. Il s’appuie sur des références savantes en citant Yorgos Lanthimos, Ari Aster, Darren Aronofsky pour le cinéma. En ce qui concerne la littérature, il se réclame de la filiation d’auteurs comme Mikhail Bulgakov, Fyodor Dostoevsky, ou encore Nikolai Gogol.

Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir. Concrètement, j’ai moins l’impression de rédiger un test de jeu vidéo que d’être revenue à l’époque de la fac, quand je devais analyser des films d’auteur-e.

Je n’ai compris certains points soulevés par le titre qu’en réfléchissant très fort à la manière de vous le présenter. Et encore, n’ayant pas une grande culture des œuvres russes, j’ai le sentiment de passer à côté de la moitié du titre.

Autre point à soulever, les thématiques sont souvent très dures et ne sont vraiment pas à mettre entre toutes les mains. Même si certaines scènes sont teintées d’humour noir, le jeu m’a à peine fait sourire (bon, je suis très sensible, c’est vrai). Mais c’est au point où je n’arrive même pas à sortir la moindre blague ici (et c’est pourtant ma marque de fabrique !).

INDIKA a laissé son empreinte sur mon humeur et m’a quelque peu secouée. Je vous écris 2 jours après l’avoir terminé et je suis toujours en train d’y réfléchir. Si vous aimez les films marquants et expériences violentes moralement, foncez. Moi, en attendant, je digère et je retourne dans Planet Crafter pour soigner ma psyché.

Une direction artistique à couper le souffle

Mais quelle prouesse technique et artistique impressionnante ! J’ai été bluffée tout du long par le grain de peau sur les gros plans sur les visages, les expressions faciales réalistes, les mouvements dans le drapé des vêtements... D’ailleurs, les décors sont magnifiques également, tout baigne dans une lumière froide et austère qui démontre, encore une fois, un parti pris esthétique vraiment intéressant.

Ajoutez à cela l’étrangeté des décors qui semblent corrects au premier regard mais qui ne le sont pas, du diesel punk, et vous avez un objet culturel qui vaut le coup d’être essayé. Enfin, le niveau de détail est particulièrement impressionnant pour un studio indé.

Même remarque pour le sound design : le bruit des pas d’Indika lorsqu’elle marche dans la neige fraichement tombée et qui change dans les endroits où elle est à moitié fondue, le bruit des machines, du vent… Tout est tangible, organique. Et l’utilisation de morceaux de musique parfois carrément expérimentale ajoute une touche encore plus étrange à cette proposition surréaliste.

D’autre part, le jeu des comédien-nes de doublage était excellent de bout en bout. J’ai choisi de mon côté de tout mettre en russe et je ne le regrette pas une seconde, pour l’immersion c’était parfait (et je vous recommande cette option). Pour info, j’ai été écouter des extraits en anglais et cela me semblait tout aussi bon, vous faites comme vous le sentez.

Une narration intéressante et nuancée mais inégale

L’histoire est captivante, avec des personnages très bien écrits. Je les ai trouvés tout en nuance et j’ai vite ressenti le besoin de mieux les comprendre.

Les thématiques abordées, autant dans les dialogues que dans la narration environnementale, remettent en question nos avis parfois trop manichéens. En cela il me rappelle un autre titre de l’éditeur du titre, 11 bits studios, qui m’avait bouleversée : This War of Mine. On entre par la porte des mécaniques de jeu et on se plonge dans une réalité froide et glaçante. Comment ne pas voler les petits vieux qui n’ont fait de mal à personne quand des enfants meurent chez toi ?

Revenons à INDIKA. Malheureusement, le jeu souffre d’un défaut : l’intérêt que l’on porte à cette fable est inégal avec une seconde partie moins dense, captivante et intéressante que la première.

Il y a des longueurs, des lenteurs qui ne servent pas le propos. De plus, si insérer des puzzles au sein même de l’histoire était intéressant au premier abord, certaines mécaniques de jeu géniales seront abandonnées à peine exploitées. Cela m’a laissé une certaine forme de frustration. Et ceci d’autant plus que certains d’entre eux à la fin n’étaient franchement pas inspirés et semblaient uniquement ralentir le déroulé de la narration.

Pour finir, on attend une apothéose de l’histoire qui finalement n’arrive pas, avec une fin ouverte qui laisse libre court à l’interprétation (à vos théories !). Le jeu joue avec nos nerfs et nos frustrations, ce qui n’est pas franchement agréable tout le temps. Défaut, manque, ou parti pris ? Je vous laisserai en juger par vous-même…

NOTE: 17/20INDIKA comporte des défauts mais reste un objet culturel très intéressant. La vision de l’esthétique, de la philosophie et même la langue russe nous sont, pour la plupart d’entre nous, très étrangères.

Abreuvée depuis l’enfance de culture américaine et asiatique, j’ai grandement apprécié avoir entre les mains un jeu montrant une conception encore différente de la notre. Et vous, qu’en pensez-vous ?

💎 Review réalisée à partir d’une version presse PS5.

Points Positifs

Points Négatifs

Informations

Sortie : Le 17 mai 2024
Langue : Texte FR
PEGI : 16
Dispo : PC, One, Series, PS5, PS4
Éditeur : 11 bits studios
Développeur : Odd Meter
Mode : Solo
Durée : 4h
Complétion : 5h

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SalbeT

Née avec une manette dans les mains, tout a commencé à 3 ans sur Shinobi. Bien plus branchée jeux indés que AAA, mais toujours présente quand il s'agit de crier son amour pour The Witcher 3 ! Éclectique, elle a quand même des styles de prédilection : les visual novels et autres jeux narratifs, les point'n'click, les jeux de survie/aventure, les rogue-lites, les jeux en coop, les…

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